Projets en Constellation

Les projets Sanaduría, Warmikuna et Poésie des arts désarmées dialoguent entre eux et autour de pratiques de médiation et de transformation des conflits. Chacun, dans ses propres mots, parle des vies fragmentées, des territoires vidés, des relations rompues. Mais chacun raconte aussi des histoires de recomposition du sens et d’espoir d’ouverture de possibles.

Sanaduría

Sanaduría est un mot formé par curaduría (commissariat d’exposition) et sanación (guérison). Guérir des vécus de douleur et désespoir, soigner le travail collaboratif. Le travail curatorial a voulu sélectionner et organiser des concepts et pratiques de paix proposés par des membres de peuples autochtones et des survivants du conflit armé colombien pour imaginer des significations plus riches et complexes. La paix il ne faut pas la chercher, il faut la vivre. La juntanza est le mouvement qui nous conduit à la rencontre et à la reconnaissance des autres. Ce mouvement n’est pas spontané, il ne se fait pas non plus à toute vitesse : il demande de s'asseoir aux côtés de l’autre et apprendre à écouter. C’est un travail persistant, une invitation à imaginer des futurs façonnés par l’effort de coexistence. C’est le début d’un chemin semé de difficultés mais qui offre la possibilité de guérir des blessures et de rêver des futurs possibles. Juntanza por Albeiro.

Ouvrir des chemins.

Se réunir c’est ouvrir de nouveaux chemins là où la violence, la colère ou le désespoir dressent des impasses. Ouvrir un chemin c’est se transformer soi-même : entrer en relation avec de nouveaux territoires, de nouvelles personnes. La paix n’est jamais un état figé : elle est relationnelle, inachevée, imparfaite.  Ouvrir des chemins, c’est croire qu’il existe toujours des voies de transformation du conflit, même au cœur des situations les plus dures ou sombres.Video: Abrir Camino. Refroidir ou adoucir la paroleRefroidir ou adoucir la parole, c’est apaiser le conflit. Ce n’est pas une ruse rhétorique ni une stratégie habile pour tromper l’adversaire. C’est une manière de desserrer les tensions pour mieux comprendre la situation. Cette parole est performative : elle agit. Elle ne se limite pas à l’énonciation d’engagements, mais se déploie en gestes, en pratiques, en transformations concrètes. La parole tissage de résistance.

Médier pour cultiver

Médier pour cultiver ou pa’labrar – la parole médiatrice –, c’est l’art de transformer une situation explosive en un espace où les différences peuvent être entendues, où une discussion consciente émerge des préoccupations de chacun. La médiation n’est pas seulement un apaisement : elle est aussi un geste qui sème les graines de la coexistence future, à travers des rituels dans lesquels participent des plantes, des substances, des chants et des danses. Médier, c’est coexister avec le dissensus, et assumer la responsabilité de futurs possibles qui ne passent pas par l’élimination d’autrui. PalabraSemilla.

Tresser la communauté

Tresser la communauté, c’est accueillir les multiples fils qui nous composent. Nous sommes pluriels et différents, mais cette diversité n’empêche ni le dialogue ni la reconnaissance. Les paix s’y inventent comme des liens relationnels, tissés par les attaches qui nous unissent.

Danser la mémoire

Danser la mémoire, lors des fêtes et carnavals, c’est investir les espaces marqués par la violence et la terreur pour en faire des lieux d’affirmation de la vie. La mémoire, à l’instar de la danse, n’est jamais statique : elle est mouvement, énergie capable d’ouvrir des brèches dans le silence et de rendre perceptibles et audibles des histoires marginalisées. Le carnaval et la fête, tout comme la mémoire, s’actualisent à chaque fois qu’ils s’activent, en invitant à la participation de tout.e.s, comme un acte de libération et de réappropriation de l’espace.

Warmikuna

Warmikuna est un mot en quechua qui signifie femme. Les voix des femmes sont l’axe central de ce projet qui aborde la construction de mémoire et de paix à travers des chants, des poèmes, des broderies et la création d’une exposition virtuelle qui rend compte du travail de l’Asociación Nacional de Familiares de Secuestrados Detenidos y Desaparecidos del Perú (ANFASEP). La méthodologie du travail s’est construite à travers les principes du ÑañaykunawanAvec mes soeurs - et du  Sunqumanta Ayllupaq – de l’intériorité pour la communauté.

Chanter pour raconter

Il s’agit d’un corpus de chansons en quechua qui ont été enregistrées tout au long de trois années de travail collectif avec l’association ANFASEP, qui rendent compte des trajectoires de vie individuelles et collectives des associées, leurs processus de deuil, leurs revendications et leurs victoires. Le chant et les chansons pour aborder l’indicible. Le chant, l’écoute collective et la guérison.

Chanson: J’ai juste apporté mes papiers
Chanson: Vérité et justice
Chanson: Mon fils aimé

Purichkanchik

Archive photographique qui provient des différents travaux de terrain réalisés entre 2017 et 2022 qui relatent des histoires du conflit armé au Pérou et le processus d’organisation d’ANFASEP.

Dialogue entre chansons et photographies.

Yuyaninchikpi

Mots et poèmes des témoignages en quechua traduits en espagnol et en français.

La quête

Trintay sinku añusmantam Huyada wayqupi tarirqamuni.
Trintay sinku añusmantam Huyada pampapi tarirqamuni.
Après trente cinq ans
Je l’ai retrouvé dans la gorge de la Hoyada
Après trente cinq ans
je l’ai retrouvé à la pampa de la Hoyada

“Kuka kintucha” Par: Natividad Barzola Prado

La lutte

1984ta sipillawachkanchik.
1985ta tukullawachkanchik.
Llaqtamasiykuna hatarillasunchik!
Pwiblu masiykuna sayarillasunchik! Dirichullanchikta maskallasunchik! (kutiy).
Ils nous tuaient en 1984
Ils nous achevaient en 1985 Ensemble, levons-nous Ensemble, révoltons-nous. Luttons pour nos droits!

Par: “Pichiwchalla” - Paula Aguilar Yucra.

L’espoir

Anfasepnallaqa nunka chinkanqachu.
Anfasepnallaqa nunka wañunqachu.
Wawanpas churinpas puririllachkanqa.
Willkanpas churinpas maskarillachkanqa.
Les femmes d’ANFASEP ne disparaîtront jamais. L’association ANFASEP ne s’éteindra jamais. Leurs enfants continueront à marcher.
Leurs enfants et petits-enfants continueront à chercher leurs familles.

Par: “Verdadta munaspa justiciallata” – Lidia Flores.

Broder

Intégration de la broderie comme narration visuelle.

Poesía De Los Inocentes

La frontière entre la Colombie et le Venezuela, est connue par ses hautes températures et la diversité de ses groupes armés. Elle devient ainsi un lieu où s’entrelacent simultanément les contrastes des réalités frontalières, entre la vie et la mort, dans une complexité unique.Dans les routes migratoires, dans des auberges, dans des centres d’accompagnement pour victimes de violence, dans des camps de réfugiés et dans d’autres espaces ont été réalisés des portraits de personnes, accompagnés par un résumé de leur histoire. Ces formats ont permis de mettre en avant l’intimité des parcours de vie, en illustrant les moments les plus importants qui ont surgi pendant les entretiens.  Plonger dans l’univers de la caricature et du Hhaïku revient à sauter dans un monde de significations volatiles, confuses, souvent empreintes d’ironie et qui conduisent à l’incertitude et même au manque de sens. Il s’agit de créer des scènes capables de nous permettre de donner du sens au sentiment de désespoir, de vide ou de deuil. C’est un pari sur comment illustrer la valeur de la mémoire actuelle à travers des formes qui ne sont ni littérales ni exemplaires : une empathie sans armes, reproductible et facilement diffusable.

Dans les milieux marqués par la violence, créer une atmosphère légère donne l’opportunité d’aborder des problèmes difficiles avec des communautés vulnérables sans succomber à leur gravité et en évitant des charges émotionnelles prolongées. Cela met en lumière ces problèmes sans surdéterminer le sens de l’identité et l’émotivité des personnes. En plus, ces propositions encouragent un style de communication plus accessible et moins formel, en évitant l’élitisme et en entrant en résonance avec un public plus large intéressé par l’exploration de thématiques et des subjectivités diverses. L’une des bandes dessinées La joda: Una caricatura etnográfica del humor de los migrantes venezolanos, explore comment les migrants vénézueliens utilisent l’humour tout au long de leur trajectoire migratoire et révèle l’importance méthodologique de l’humour et de la bande dessinée dans la recherche ethnographique. C’est une proposition qui cherche à se libérer des conventions universitaires en élargissant la dimension expérientielle de la recherche ethnographique et artistique. Elle met en avant le pouvoir évocateur des individus, des paysages et des rencontres en les mettant en premier plan et en les intégrant dans le tissage de l’expérience sensorielle.